re jusqu'au bout. Avec une bonne grace parfaite, avec un
elan spontane, vous avez voulu nous ceder vos chambres; mais il est bien
evident que notre presence vous gene.
--Comment pouvez-vous penser?
--Je ne pense pas, je suis certain. Pour des raisons que je n'ai pas a
examiner, vous desirez etre seul; notre voisinage vous incommode et vous
trouble. Alors vous partez. Eh bien, mon cher colonel, cela ne doit
pas etre. Ce n'est pas a vous de partir, c'est a nous de vous ceder la
place.
--Permettez....
--Je vous en prie, laissez-moi achever. Nous sommes ici dans des
conditions tout a fait particulieres. Si vous n'aviez pas habite cet
hotel, nous n'aurions pas pu nous y faire recevoir. Nous ne sommes donc
ici que par vous, par votre complaisance. Eh bien, mon cher colonel,
il serait tout a fait absurde que vous fussiez victime de votre
complaisance. Nous vous genons; vous desirez la solitude, que vous ne
pouvez plus trouver, nous ayant pour voisins. Nous nous en allons:
rien n'est plus simple, rien n'est plus juste. Voila pourquoi je vous
demandais des renseignements sur les hotels des environs, pensant que
vous les connaissiez et ne voulant pas me lancer a l'aventure avec une
malade.
--Jamais je n'accepterai ce depart.
--Et moi, jamais je n'accepterai le votre.
--Mon intention n'etait pas de rester au Glion.
--Elle n'etait pas non plus d'en partir aujourd'hui. De cela, je
suis bien certain; j'ai interroge Horace, qui ne savait rien, et qui
assurement eut ete prevenu si votre depart avait ete arrete avant notre
arrivee.
Le colonel demeura assez embarrasse. Il ne lui convenait pas en effet de
reconnaitre qu'il quittait l'hotel pour fuir la presence du prince et
de Carmelita: c'etait la une grossierete qui n'etait pas dans ses
habitudes, ou bien c'etait avouer sa faiblesse pour madame de
Lucilliere, ce qui le blessait dans sa pudeur d'amant malheureux.
--Devant partir un jour ou l'autre, il est bien naturel cependant que je
vous cede tout de suite une chambre qui vous est indispensable, car vous
ne pouvez pas rester dans le trou ou vous avez passe la nuit.
--Un jour ou l'autre, je vous le repete, je comprends cela; ce que je ne
comprends pas, c'est aujourd'hui. Ainsi, voila qui est bien entendu: si
vous persistez dans votre intention de partir ce soir, c'est nous qui
partons ce matin pour les Diablerets ou pour Champery, peu importe; si
au contraire vous restez pour quelques jours, nous restons, nous a
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