malin esprit fut tellement bridee et limitee, que
la patiente fortifiee extraordinairement en son ame par l'espace de dix ou
douze jours ne cessa de louer Dieu, qui l'avoit soutenue si
misericordieusement en son affliction, consolant toutes personnes qui la
visitoyent... Je puis dire que Satan fut mis sous les pieds de ceste
patiente, laquelle deceda fort paisiblement en l'invocation de son
sauveur."
[Note 1: _Thresor des histoires admirables_, t. II, p. 791.]
Goulart[1] raconte que "il y avoit a Leuenstcet, village appartenant au duc
de Brunswick, une jeune fille nommee Marguerite Achels, aagee de vingt ans,
laquelle demeuroit avec sa soeur. Un jour de juin, voulant nettoyer
quelques souliers, elle prit l'un de ses cousteaux de demi pied de longueur
et comme elle commencoit, assise en un coin de chambre, et encore toute
faible d'une fievre qui l'avoit tenue long-temps, entra soudain une
vieille, qui l'interrogua si elle avoit encore la fievre, et comment elle
se portoit de sa maladie, puis sortit sans dire mot. Apres que les souliers
eurent este nettoyes, cette fille laisse tomber le couteau en son giron
lequel depuis elle ne put retrouver, encore qu'elle le cerchast
diligemment; ce qui l'effroya, mais encores plus quand elle descouvrit un
chien noir couche dessous la table qu'elle chassa, esperant trouver son
cousteau. Le chien tout irrite commence a lui monstrer les dents et
grondant se lance en rue, puis s'enfuit. Il sembla incontinent a cette
fille qu'elle sentit je ne scay quoi, qui lui descendoit par derriere le
lez du dos comme quelque humeur froide, et soudain elle s'esvanouit
demeurant ainsi jusques au troisiesme jour suivant, qu'elle commenca a
respirer un petit et a prendre quelque chose pour se sustanter. Or estant
diligemment interroguee de la cause de sa maladie, elle respondit scavoir
certainement que le couteau tombe en son giron estoit entre dedans son
coste gauche, et qu'en ceste partie elle sentoit douleur. Et encore que ses
parents lui contredissent, d'autant qu'ils attribuoyent cette indisposition
a un humeur melancholique, et qu'elle resvoit a raison de sa maladie, de
ses longues abstinences et autres accidens, si ne cessa-elle point de
persister en ses plaintes, larmes et veilles continuelles, tellement
qu'elle en avoit le cerveau trouble et estoit quelquefois l'espace de deux
jours sans rien prendre, encore qu'on l'en priast par douceur, et
quelquefois on la contraignoit par force. Or avoi
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