tres; je suis sure qu'il n'a pas une
semaine. Allons, il faut le baptiser et le douer de grandes vertus. Je lui
donne, reprit la seconde, la beaute, la grace; je veux qu'on dise que ses
marraines ont ete genereuses. Je veux encore qu'il soit vainqueur dans les
tournois, dans les batailles. Maitresse, si vous trouvez mieux que cela,
donnez-lui. Dame, reprit la maitresse, vous avez peu de sens, quand vous
osez devant moi donner tant a ce petit. Et moi je veux que dans sa jeunesse
il ait une amie insensible a ses voeux. Et bien que par votre puissance, il
soit noble, genereux, beau, courtois, il aura peine en amour; ainsi je
l'ordonne. Dame, ajouta la troisieme, ne vous fachez pas si je fais
courtoisie a cet enfant, car il vient de haut lignage et je n'en sais pas
de plus noble. Aussi je veux m'appliquer a le servir et a l'aider dans
toutes ses entreprises. Je le nourrirai, et c'est moi qui le garderai
jusqu'a l'age ou il aura une amie, et c'est moi qui serai la sienne. Je
vois, dit la maitresse, que vous aimez beaucoup cet enfant; mais pour cela
je ne changerai pas mon don. Je vous en conjure, dame, reprit la troisieme,
laissez-moi cet enfant; je puis le rendre bien heureux... Non, repliqua la
maitresse, je veux que mes paroles s'accomplissent, et il aura, en depit de
vous deux, le plus vilain amour que l'on ait jamais eprouve. Apres avoir
ainsi parle, les trois fees disparurent, les chevaliers reprirent l'enfant
et le reporterent au chateau de la Montagne, ou bientot une fee se presenta
comme nourrice.
Les fees assisterent de meme, dit M. Maury[1], a la venue au monde d'Isaie
le Triste. Aux environs de la Roche aux Fees, dans le canton de Rhetiers,
les paysans croient encore aux fees qui prennent, disent-ils, soin des
petits enfants, dont elles pronostiquent le sort futur; elles descendent
dans les maisons par les cheminees et ressortent de meme pour s'en
aller[2]. Les volas ou valas Scandinaves allaient de meme predire la
destinee des enfants qui naissaient dans les grandes familles[3]; elles
assistaient aux accouchements laborieux et aidaient par leurs incantations
(_galdrar_) les femmes en travail. Les fees voulaient meme souvent etre
invitees. Longtemps, a l'epoque des couches de leurs femmes, les Bretons
servaient un repas dans une chambre contigue a celle de l'accouchee, repas
qui etait destine aux fees, dont ils redoutaient le ressentiment[4]. Les
fees furent invitees a la naissance d'Oberon, elles le doterent a l'
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